Éviter la curarisation résiduelle postopératoire —Le fondement de n’importe quel protocole RAAC

J. Ross Renew, MD
Summary: 

La faiblesse résiduelle post-opératoire demeure un danger pour la sécurité du patient et peut être un obstacle majeur à la récupération du patient. Les stratégies permettant d’atténuer ce danger et les complications connexes doivent être intégrées à la réhabilitation améliorée après les protocoles opératoires.

Moniteur NMBBien que les curares soient une classe de médicaments utiles dans le cadre périopératoire, leur utilisation n’est pas sans risque. Malheureusement, la curarisation résiduelle postopératoire suite à l’administration de curares demeure un risque significatif pour les patients.1-4 Ce phénomène est à l’origine d’un nombre important de complications, y compris la prolongation de séjour en salle de réveil, l’hypoxémie et l’obstruction des voies respiratoires.5,6 En outre, en ce qui concerne la curarisation résiduelle postopératoire, les patients se plaignent principalement d’une récupération neuromusculaire incomplète, qui peut gêner la mobilisation précoce.7 Malgré l’abondance de littérature qui documente les effets préjudiciables de la curarisation résiduelle postopératoire, de nombreux anesthésistes sous-estiment la portée de ce problème.8 Ainsi, la curarisation résiduelle et les complications qui lui sont associées demeurent un problème grave de sécurité des patients.

Des avancées importantes dans le domaine des soins périopératoires sont apparues, en dépit de ces dangers irrésolus. Les protocoles de réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC) (ou Enhanced recovery after surgery, ERAS) représentent des efforts complets et multidisciplinaires visant à accélérer la récupération postopératoire, tout en réduisant les complications évitables.9 Il a été démontré que ces efforts harmonisés permettent d’améliorer de nombreuses conséquences périopératoires importantes, telles que la réduction des nausées et des vomissements postopératoires (NVPO)10 et l’amélioration de la satisfaction des patients.11 Bien qu’efficaces, les protocoles RAAC doivent être élaborés à partir des meilleures preuves disponibles et se conformer au contexte spécifique de l’établissement les mettant en œuvre, afin d’optimiser les avantages pour les patients.12 Éviter la curarisation résiduelle postopératoire est une pratique factuelle permettant d’améliorer la sécurité des patients et devrait être le fondement de tous les protocoles RAAC.

Plusieurs stratégies ont été conçues pour réduire la fréquence de la la curarisation résiduelle postopératoire. Il n’est pas étonnant de constater que ces stratégies partagent des principes courants des programmes de réhabilitation améliorée. L’utilisation d’agents d’antagonisation pour contrer les effets des curares, tels que la néostigmine ou le sugammadex, est une pratique factuelle qui peut réduire le taux de curarisation résiduelle postopératoire et les complications associées.13 Une méta-analyse récente a développé la discussion à ce sujet et suggère que l’administration de sugammadex cause moins d’évènements préjudiciables, moins de NVPO et un retour plus rapide de la fonction neuromusculaire, par rapport à la néostigmine.14 Outre l’accélération de la récupération en toute sécurité et la réduction des NVPO, la RAAC insiste sur le maintien de l’homéostasie durant la période périopératoire. Bien que rarement décrit, le rétablissement de la fonction neuromusculaire peut constituer un principe clé de la RAAC. D’autre part, l’utilisation d’une surveillance neuromusculaire quantitative peut permettre de confirmer que l’homéostase neuromusculaire a été rétablie dans la période postopératoire.15 La surveillance quantitative a été liée à la réduction des complications pulmonaires postopératoires, qui constitueraient un obstacle indéniable et conséquent à la récupération améliorée du patient.13 Ces stratégies peuvent être mises en œuvre non seulement pour réduire les évènements préjudiciables résultant de la faiblesse résiduelle postopératoire, mais également pour élargir et faire progresser les protocoles RAAC complets.

Alors que la mise en œuvre des protocoles de réhabilitation avancée s’accélère et gagne en popularité, nous ne pouvons pas ignorer les dangers persistants qui menacent la sécurité des patients et qui pourraient également s’avérer être des freins importants pour ces programmes. Étant donné que les protocoles RAAC sont fondés sur des preuves bien établies, il faut intégrer des stratégies bien définies afin d’éviter la curarisation résiduelle postopératoire, alors que la communauté périopératoire poursuit ses efforts pour faire avancer la sécurité des patients et améliorer les pronostics.

 

Le Dr Renew est actuellement professeur assistant dans le Service d’anesthésiologie et médecine périopératoire de laMayo Clinic de Jacksonville, Floride.


Le Dr Renew a reçu un financement pour ses recherches, notamment de Merck & Co, dont l’intégralité a été transmise à Mayo Clinic.


Documents de référence

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