Un temps de réflexion pour les anesthésistes

Felipe Urdaneta, MD
Anesthésistes

« Le plus grand problème en communication, c’est d’avoir l’illusion qu’elle a eu lieu. »

­—George Bernard Shaw

La mise en place et la promotion d’une culture de sécurité des soins est l’un des fondements d’une meilleure prise en charge des patients.1 Un facteur en particulier, la communication insuffisante/inefficace ou ineffective entre les professionnels de santé, continue à être une cause importante d’erreurs médicales et d’évènements indésirables, certains pouvant avoir de graves conséquences. Le travail d’équipe et de bonnes communications ont été identifiés comme éléments clés de la réussite de la gestion des tâches complexes à des moments critiques et dans le cadre de la gestion de crise. La transmission standardisée du dossier du patient a fait l’objet de nombreux articles, mais d’autres problèmes de communication ont bénéficié d’une attention plus limitée.2

Les problèmes de gestion de l’anesthésie et des voies aériennes pendant l’induction ou le réveil de l’anesthésie continuent d’être une cause importante de morbidité grave, voire de mortalité. En cas de complications liées aux voies aériennes, les conséquences peuvent être irréversibles, voire catastrophiques. Afin de gérer convenablement ces évènements lourds de conséquences, souvent inattendus, les efforts de chaque personne, chaque équipe et chaque groupe doivent être coordonnés de manière efficace et associés à l’utilisation d’équipements spéciaux.3,4

L’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Association of periOperative Registered Nurses (AORN) et la Joint Commission ont recommandé des briefings des équipes avant et après les procédures, afin de tenter d’encourager l’engagement, l’efficacité, la sécurité et la satisfaction de l’équipe chirurgicale, grâce à l’amélioration potentielle de la communication d’informations critiques avant et après des problèmes controversés et divers.5-7 Ces briefings suscitent encore des questions controversées et variées (quand, quelles informations et qui doit y participer) auxquelles il faut encore apporter des réponses claires et nettes. Un certain degré de divergence et de personnalisation selon les établissements et les services est autorisé et anticipé, toutefois la vraie question est de savoir si nous devrions permettre que des questions fondamentales en matière d’anesthésie ne soient pas abordées dans le cadre de telles discussions de groupe. De nombreux établissements n’imposent pas les briefings d’équipes. Ils préfèrent un temps de réflexion avant la procédure, qui peut même intervenir après le début de la technique d’anesthésie, dans le but de déterminer que l’identité du patient, le type de procédure, le site chirurgical et la prophylaxie antibiotique sont corrects. Très souvent, le debrief après l’intervention est totalement inexistant.

L’absence de briefing d’équipe implique que des évènements critiques, tels que l’induction et le réveil de l’anesthésie, ainsi que tous les problèmes liés aux voies aériennes qui surviennent pendant les interventions, ne sont pas toujours pris en compte dans le cadre des efforts de ces équipes au titre de la sécurité. Si ces briefings ont pour but de promouvoir un travail d’équipe efficace, d’améliorer la communication et la qualité des soins, et de les utiliser comme occasion de réduire le nombre d’évènements médicaux défavorables, leur absence, leur réalisation hâtive, l’absence d’inclusion ou de discussion des développements liés à l’anesthésie et aux voies aériennes doivent être considérées comme des problèmes systémiques et des facteurs de sécurité latents. En notre qualité d’anesthésistes, nous devons envisager sérieusement de consacrer un « temps de réflexion » organisé à l’induction et au réveil de l’anesthésie et aux opérations connexes. Nous devons exprimer nos intentions, inquiétudes et besoins pendant les travaux d’équipe relatifs à la sécurité, de sorte que, en cas d’évènement inattendu ou défavorable, l’équipe périopératoire dans son ensemble soit prête à apporter un soutien et une assistance indispensables sans retard ni hésitation.

 

Felipe Urdaneta, MD

Le Dr Urdaneta est professeur d’anesthésiologie à l’Université de Floride/NFSGVHS et membre du conseil rédactionnel du Bulletin d’information de l’APSF.


Le Dr Urdaneta ne signale aucun conflit d’intérêts en lien avec cet article.


Documents de référence

  1. Culture of safety. Available from: https://psnet.ahrq.gov/primers/primer/5/Culture-of-Safety Accessed August 19, 2019.
  2. Greenberg, S. Handoff communication: An APSF safety initiative and perioperative provider concern. APSF Newsletter. 2017;32:29–56. https://dev2.apsf.org/article/handoff-communication-an-apsf-safety-initiative-and-perioperative-provider-concern/ Accessed August 8, 2019
  3. Cook TM, Woodall N, Frerk C, et al. Major complications of airway management in the UK: results of the Fourth National Audit Project of the Royal College of Anaesthetists and the Difficult Airway Society. Part 1: Anaesthesia. British Journal of Anaesthesia. 2011;106:617–631.
  4. Metzner JM, Posner KL, Lam MS, Domino KB. Closed claims’ analysis. Best Practice Research Clinical Anaesthesiology. 2011;25:263–276.
  5. WHO guidelines for safe surgery: 2009: safe surgery saves lives. WHO/IER/PSP/2008.08-1E. Available from: https://www.who.int/patientsafety/safesurgery/tools_resources/9789241598552/en/ Accessed August 8, 2019.
  6. AORN Comprehensive Surgical Checklist. Available from: https://www.aorn.org/guidelines/clinical-resources/tool-kits/correct-site-surgery-tool-kit/aorn-comprehensive-surgical-checklist Accessed August 8, 2019.
  7. Safe Surgery Checklist. Available from: https://www.jointcommission.org/safe_surgery_checklist/ Accessed August 8, 2019.